La chaux - 1

L’enduit à la chaux se prête magistralement à la restauration, en intérieur et extérieur, de vieilles maisons ou de bâtiments publics et notamment les églises. Les soubassements de l’église de Cheverny ont notamment été restaurés à la chaux.



Axel FONTAINE au château de Chémery
La Grenouille a rencontré Axel Fontaine, architecte DPLG et propriétaire / restaurateur du château de Chémery, qui est passionné par la chaux. Écoutons-le : « Combien de fois dans ma carrière ai-je entendu dire : “Ma maison est belle car j’ai tout fait avec de la chaux”. Le mot magique est lancé : la chaux. Les personnes qui s’attribuent une bonne conscience en employant ce matériau savent-elles véritablement ce qu’est la chaux ? Parfois même, j’entends : “j’ai rajouté un peu de ciment pour que ça tienne mieux”. Encore un mot magique le mot ciment, sorte de matériau passe-partout»

Et pourquoi “pour que ça tienne mieux” ? Les pyramides construites sans ciment se sont elles écroulées ? Ou même, plus proche de nous, le château de Chémery s’est-il écroulé ?

Ce qui oppose la chaux au ciment, c’est le pourcentage d’argile contenu dans sa fabrication ou son extraction. La base de ces deux matériaux est la pierre calcaire, une roche sédimentaire qui couvre 80 % de la planète. Cette pierre, très présente en pays ligérien, est classée suivant son degré de dureté. Ainsi le tuffeau (tendre, que l’on raye à l’ongle) et la pierre de Pontlevoy (dure) sont les mêmes à l’origine : des roches sédimentaires. C’est la durée de la sédimentation qui varie, autour de plusieurs dizaines de millions d’années.

D’une façon générale, la chaux se divise en deux catégories : les chaux aériennes et les chaux hydrauliques naturelles. Pourquoi ces deux mots «aérienne» et «hydraulique» ?

La chaux aérienne ne durcira qu’en présence d’air. La chaux hydraulique durcira en présence d’air mais aussi d’eau. Ce qui différencie la chaux aérienne de la chaux hydraulique, c’est la présence de silice. La silice qui n‘est ni plus ni moins que du sable. Si la roche extraite en contient de 5 à 30 %, on a affaire à de la chaux hydraulique. Si la roche contient moins de 5 % de silice, on aura affaire à de la chaux aérienne.

Le cycle de la chaux
La chaux aérienne est donc issue d’une roche très pure. Au delà de 30 %, on a affaire à du ciment. La chaux est le résultat du chauffage (dans ce cas on dit la calcination) d’un morceau de roche de la taille d’un poing entre 900 et 1 200 degrés. On obtient ce qu’on appelle de la chaux vive ou un carbonate de chaux. Ce morceau de pierre arrosé d’eau dégage de la chaleur et du gaz carbonique. Il se désagrège et devient une pâte. Il est ventilé et devient une poudre. C’est la chaux grasse. L’émission de gaz carbonique lui fait perdre environ 40 % de son poids mais non de son volume. Lorsque la chaux grasse est au contact de l’air, elle réabsorbe le gaz carbonique et se re-durcit. Le cycle de la reconstitution du calcaire est ainsi entamé. On dit qu’elle se re-carbonate. À noter que la chaux grasse peut avoir plusieurs appellations : ainsi, on la trouve sous le nom de chaux vive éteinte, CAEB (Chaux Aérienne Éteinte pour le Bâtiment), fleur de chaux ou CL 90 (Calcium Lime).

Le calcaire avec lequel on fabrique la chaux et le gypse avec lequel on fabrique le plâtre sont les deux matériaux les plus utilisés depuis la plus haute antiquité. Lorsque la chaux extraite est très pure, comme dit plus haut, on obtient une chaux aérienne dont la prise ne se fait qu’à l’air. Pour que la prise se fasse en milieu anaérobie comme par exemple dans l’épaisseur d’un mur, il faut donc la rendre hydraulique. Pour cela il suffit de rajouter de la brique pilée. Peut-être avez-vous remarqué que dans certaines caves que l’on appelle aussi des glacières, les enduits sont rosés : ceci signifie que la chaux a été éteinte avec du sang de boeuf qui la rend plus étanche et fait aussi office de colle ; mais qui, contrairement au ciment, permet toujours les échanges hygrométriques. J’ai aussi entendu dire qu’elle pouvait être éteinte avec du vin.

On verra, dans un prochain article, que la chaux peut être utilisée sans sable et uniquement mélangée à de l’eau. On est alors dans le cas de la décoration, du badigeon ou de la fresque. On peut la colorer avec des pigments : oxyde de fer, terre de sienne etc. Dans les régions où le sable était loin du chantier, on composait le mortier avec un apport de terre.

La distinction entre chaux aérienne et chaux hydraulique naturelle est relativement récente. On la doit à Vicat qui a décelé ou non la présence de silice. Le mortier est donc constitué de chaux, d’eau et de sable. Mais on peut aussi ajouter de la brique pilée, de la terre, des pigments. Ces assemblages s’appellent des agrégats. En revanche, tout ce qui est lié à l‘onctuosité du mélange, comme par exemple le sang de boeuf, s’appelle adjuvant.
La chaux, comme on le voit dans la formule qui concerne sa fabrication, se re-carbonate au contact de l’air. C’est à dire que le gaz carbonique de l’atmosphère se redépose dessus et de ce fait elle re-durcit, ce qui correspond, ni plus ni moins, au début du cycle de la composition de la roche calcaire.

Le Château de Chémery
Lorsque j’ai commencé à utiliser de la chaux grasse pour le château de Chémery, j’ai procédé empiriquement. J’ai utilisé un jour des sacs qui avaient plus de trois mois de stockage et lorsque j’ai eu fini, il est apparu des taches blanches de la taille d’un ongle sur les enduits : c’étaient des grumeaux ! La re-carbonatation avait débuté dans les sacs sans que je m’en rende compte. Or, j’ai mis à jour dans une partie refaite au XVème siècle des enduits présentant le même aspect. C’était la confirmation de ma méthode empirique. L’atout majeur des chaux, aériennes ou hydrauliques, est la perméabilité à la vapeur d’eau (je préfère dire cela plutôt que dire que la chaux respire car ce terme est galvaudé).

À la Tour Beauvoir à Blois, on peut voir les méfaits de l’emploi d’une chaux hydraulique artificielle - c’est à dire qui contient du ciment, soit plus de 30 % d’argile. La perméabilité à la vapeur d’eau ne se faisant pas, il a fallu ajouter, à environ un mètre du sol, des siphons poreux qui fixent le ”point de rosée” (le “point de rosée” correspond à la réaction chimique où l’air humide se fixe pour n’être que de l’eau). Ainsi j’ai dû pallier au fait que l’humidité n’avait pas pu s’échapper parce que l’on n’avait pas utilisé une chaux aérienne ou hydraulique naturelle. Par ce moyen mécanique et onéreux la vapeur d’eau se fixe dans le siphon et redescend dans le sol pour remonter à nouveau dans le mur. Certes, cela permet de supprimer les remontées d’humidité (que l’on appelle des remontées capillaires) au delà du siphon ; mais c’est un cercle vicieux.

Les chaux sont également imperméables à l’eau de ruissellement et ont des vertus bactéricides. La dénomination chaux grasse vient du fait qu’elle est grasse au toucher. Une des vertus de la chaux grasse est qu’elle est transparente au séchage, c’est à dire que le mortier, une fois sec, a sensiblement la couleur du sable. De plus elle est mate à l’opposé des chaux blanches hydrauliques artificielles qui ont le désavantage d’enrober le grain de sable d’une pellicule microscopique légèrement satinée, voire brillante. Après avoir défini et étudié les principales caractéristiques de la chaux (je devrais dire des différentes chaux), je vous propose de poursuivre cette étude dans un prochain article de La Grenouille en abordant les mélanges et les composants dans leurs principales applications : maçonnerie, enduits et le mélange chaux/plâtre…

À suivre…

Axel FontaineLa Grenouille n° 10 – Janvier 2011

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