Axel FONTAINE au château de Chémery |
Et pourquoi
“pour que ça tienne mieux” ? Les pyramides construites sans ciment se sont elles écroulées ? Ou même, plus proche de nous, le château de Chémery s’est-il écroulé ?
Ce qui oppose la chaux au ciment, c’est le pourcentage d’argile contenu dans sa fabrication ou son extraction. La base de ces deux matériaux est la pierre calcaire, une roche sédimentaire qui couvre 80 % de la planète. Cette pierre, très présente en pays ligérien, est classée suivant son degré de dureté. Ainsi le tuffeau (tendre, que l’on raye à l’ongle) et la pierre de Pontlevoy (dure) sont les mêmes à l’origine : des roches sédimentaires. C’est la durée de la sédimentation qui varie, autour de plusieurs dizaines de millions d’années.
D’une façon
générale, la chaux se divise en deux catégories : les chaux aériennes et les
chaux hydrauliques naturelles. Pourquoi ces
deux mots «aérienne» et «hydraulique» ?
La chaux aérienne ne durcira
qu’en présence
d’air. La chaux hydraulique
durcira en présence d’air mais aussi d’eau. Ce qui différencie la
chaux aérienne de la chaux hydraulique, c’est la présence de silice. La silice qui n‘est ni plus ni moins que du sable. Si la roche extraite en contient de 5 à 30 %, on a affaire à de la chaux hydraulique. Si la roche contient moins de 5 % de silice, on aura affaire à de la chaux aérienne.
Le cycle de la chaux |
Le calcaire avec lequel on fabrique la chaux et le gypse avec lequel on fabrique le plâtre sont les deux matériaux les plus utilisés depuis la plus haute antiquité. Lorsque la chaux extraite est très pure, comme dit plus haut, on obtient une chaux aérienne dont la prise ne se fait qu’à l’air. Pour que la prise se fasse en milieu anaérobie comme par exemple dans l’épaisseur d’un mur, il faut donc la rendre hydraulique. Pour cela il suffit de rajouter de la brique pilée. Peut-être avez-vous remarqué que dans certaines caves que l’on appelle aussi des glacières, les enduits sont rosés : ceci signifie que la chaux a été éteinte avec du sang de boeuf qui la rend plus étanche et fait aussi office de colle ; mais qui, contrairement au ciment, permet toujours les échanges hygrométriques. J’ai aussi entendu dire qu’elle pouvait être éteinte avec du vin.
On verra, dans un prochain article, que la chaux peut être utilisée sans sable et uniquement mélangée à de l’eau. On est alors dans le cas de la décoration, du badigeon ou de la fresque. On peut la colorer avec des pigments : oxyde de fer, terre de sienne etc. Dans les régions où le sable était loin du chantier, on composait le mortier avec un apport de terre.
La distinction entre chaux aérienne et chaux hydraulique naturelle est relativement récente. On la doit à Vicat qui a décelé ou non la présence de silice. Le mortier est donc constitué de chaux, d’eau et de sable. Mais on peut aussi ajouter de la brique pilée, de la terre, des pigments. Ces assemblages s’appellent des agrégats. En revanche, tout ce qui est lié à l‘onctuosité du mélange, comme par exemple le sang de boeuf, s’appelle adjuvant.
La chaux, comme
on le voit dans la formule qui concerne sa fabrication, se re-carbonate au contact de l’air. C’est à dire que le gaz carbonique de l’atmosphère se redépose dessus et de ce fait elle re-durcit, ce qui correspond, ni plus ni moins, au début du cycle de la composition de la roche calcaire.
Le Château de Chémery |
À la Tour
Beauvoir à Blois, on peut voir les méfaits de l’emploi d’une chaux hydraulique
artificielle - c’est à dire qui contient du ciment, soit plus de 30 % d’argile. La perméabilité à la vapeur d’eau ne se faisant pas, il a fallu ajouter, à environ un mètre du sol, des siphons poreux qui fixent le ”point de rosée” (le “point de rosée” correspond à la réaction chimique où l’air humide se fixe pour n’être que de l’eau). Ainsi j’ai dû pallier au fait que l’humidité n’avait pas pu s’échapper parce que l’on n’avait pas utilisé une chaux aérienne ou hydraulique naturelle. Par ce moyen mécanique et onéreux la vapeur d’eau se fixe dans le siphon et redescend dans le sol pour remonter à nouveau dans le mur. Certes, cela permet de supprimer les remontées d’humidité (que l’on appelle des remontées capillaires) au delà du siphon ; mais c’est un cercle vicieux.
Les chaux sont également imperméables à l’eau de ruissellement et ont des vertus bactéricides. La dénomination chaux grasse vient du fait qu’elle est grasse au toucher. Une des vertus de la chaux grasse est qu’elle est transparente au séchage, c’est à dire que le mortier, une fois sec, a sensiblement la couleur du sable. De plus elle est mate à l’opposé des chaux blanches hydrauliques artificielles qui ont le désavantage d’enrober le grain de sable d’une pellicule microscopique légèrement satinée, voire brillante. Après avoir
défini et étudié les principales caractéristiques de la chaux (je
devrais dire des différentes chaux), je vous propose de poursuivre cette étude dans un prochain article de La Grenouille en abordant les mélanges et les composants dans leurs principales applications : maçonnerie, enduits et le mélange chaux/plâtre…
À suivre…
Axel Fontaine – La Grenouille n° 10 –
Janvier 2011
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